Il y a presque vingt ans, je vivais en colocation dans un petit appartement de la banlieue de Strasbourg.
Mes deux camarades de fortune du pot étaient deux algériens, deux frangins issus d'une belle fratrie de six unités mâles et trois unités femelles, une belle famille, de belles personnes. Ils étaient tous les deux musiciens, l'un d'abord juriste et l'autre d'abord architecte. Mais d'abord musiciens.
Et ils étaient mes amis, mes frères, ceux grâce auxquels mes années les plus sombres n'ont pas été un désastre total.
Lors de l'une de nos soirées amicales et animées, nous avons "joué" au jeu de l'avenir : Comment nous voyons-nous dans dix ou vingt ans, ces choses-là...
Je dois l'avouer, j'avais à l'époque une certaine propension au désespoir qui me poussait à refuser toute perspective heureuse à plus d'une heure de distance... mais mes camarades ont insisté, autant pour alimenter le jeu que pour me forcer à avoir une vision optimiste de mon destin mal barré.
Alors j'ai fantasmé, j'ai répondu grosso modo que "dans vingt ans, j'aimerais vivre avec une compagne artiste dans une belle maison à la campagne, entouré de nature sauvage, proche de mes amis et exerçant la profession d'écrivain".
Et, sans doute, je me suis mis à pleurer en buvant une gorgée de ma bière et en allumant une cigarette par le filtre, à cause de mes yeux brouillés par les larmes... et j'ajoutai "mais de toute façon, cela n'arrivera jamais..."
L'un de mes deux amis, je ne me souviens plus lequel, m'aura pris par les épaules et m'aura dit :
"Tu sais, Sébichou, si tu le veux très fort, cela arrivera. Il faut juste que tu y croies."
Et oui, on m'appelait Sébichou.
Oui, j'avais des amis comme ça.
Oui, je vis bien dans une maison à la campagne avec ma compagne artiste, la nature autour, des amis partout et j'écris... j'écris encore...
Oui, j'ai commencé à y croire un jour de l'année 1995, l'un des plus beaux jours de ma vie dont il sera question une autre fois.
Oui, tout cela est vrai mais romancé, romancé mais vrai...
Or, pour un auteur qui aime à tout mélanger pour délivrer des cohérences fulgurantes, les fantasmes du passé sont aussi de merveilleuses réalités.
Or tout est vrai.
Voilà.
A Habib, Bady et Amar, tout aussi présents dans mon cœur qu'en ce bas-monde
L'envers du verbe sera consacré à mes activités professionnelles en tant qu'auteur, linguiste, animateur et interprète
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Le 06 décembre prochain, j'aurai la joie de me produire à Noyers, 11 ans après ma dernière intervention dans ce magnifique village, dans...
-
J'ai un ciel orange sur le grill et je n'ai guère d'influx nerveux pour des billets de blogue conséquents... Une petite réflex...
-
J'ai commencé hier à relater ce formidâââââble débat radiophonique qui fatigue et désespère les foules qui en ont marre, à savoir : LE ...
-
Lorsque je me rends à Nancy pour rejoindre l'équipe lexicographique à laquelle j'appartiens, il m'arrive de me livrer à une acti...
Billet très touchant... Il faut vraiment que l'on y croie, à tous ces rêves impossibles qui deviennent de belles réalités!
RépondreSupprimerTout le monde devrait avoir des amis comme tes colocs, des amis qui savent insister quand on a le vague à l'âme! Merveilleux que ton rêve se soit réalisé, mais avoue que tu as quand même mis la main à la pâte!
RépondreSupprimerC'est tout beau comme billet ça. :) Faut rêver dans la vie. C'est le premier pas pour réaliser.
RépondreSupprimerJ'aime bien ton histoire, et pourtant j'ai en général une grande méfiance à l'égard de ce genre de récit dont font usage les "winners" pour culpabiliser les "loosers" : "quand on veut on peut".
RépondreSupprimerJ'aime bien ton histoire car tu constates après-coups que tu réalises ton rêve alors que ce rêve n'a pas pour autant fait l'objet d'un plan de carrière.
Ce n'était pas pour autant "ton destin", une vie pré-écrite pour laquelle tu aurait été pré-programmé.
Tu composes ta vie sans sacrifier tes aspirations essentielles aux modèles stéréotypés de l'herbe plus verte dans le pré carré du voisin.
ça à l'air évident, tout simple, tout bête... c'est en réalité bien plus compliqué que de suivre les rails pour devenir cadre-sup.
Sois heureux...
Mektoub !
RépondreSupprimerGBise
Merci Isabelle, j'avoue humblement que ce vieux souvenir (peut-être un peu déformé) est resté longtemps enfoui au fond de mon cerveau...
RépondreSupprimerC'est vrai, Marico, et j'aime insister sur le fait que ces "gars" m'ont énormément apporté à un moment de ma vie très très difficile. Ils ne sont pas les seuls, mais leur rôle fut important pour la renaissance !
Bin tu vois, Martine, le plus troublant est que j'étais SÛR que ce rêve ne se réaliserait jamais... mais le simple fait qu'un ami y crût à ma place m'avait fait du bien.
Je te comprends, Franck, et jamais je n'ai voulu écrire un récit de winner culpabilisant... Ô grand jamais... Pour moi, c'est juste une belle histoire d'amitié qui finit bien :))
J'ai eu le goût de la raconter à la suite d'un courriel que m'a écrit l'un des trois frères. Il était tellement vibrant du même amour fraternel, 20 ans après notre "vie commune", que je n'ai pas pu m'empêcher de l'exprimer par écrit.
Merci à toi, merci à tous les quatre.
DDenia, Khoya ;))
SBise
Merci pour ce beau billet Sébichou !
RépondreSupprimerAu plaisir de te lire de nouveau.
À bientôt
Merci, Aude, pour ce chaleureux commentaire ;))
RépondreSupprimerMerci Seb. Ton hommage nous a touché au fond du coeur. We are happy that your dreams came true and hope your dreams for the future will continue to come true.
RépondreSupprimerFrom: Les Mezianes du Canada. Hannah, Brianna, Habib et Franca
Vous le méritez bien, mes chers frères. 20 après, comment oublier ces moments à la fois terribles et magnifiques que nous avons passé ensemble ?
RépondreSupprimerje lis dans ton dernier paragraphe que tu es adepte de la methode COUE
RépondreSupprimeret que cela t'a reussi ?...quel bonheur!
belle illustration pour mon poste
merci de ta visite
C'est tout à fait ça, je suis un adepte de la VRAIE méthode Coué et j'en tire les bénéfices tous les jours :))
RépondreSupprimerMerci pour la tienne visite également ;)
s.