lundi 21 mars 2011

Mémoire courte et morale personnelle

Je me souviens parfaitement du printemps 2002. J'étais allé voter, comme à chaque fois, pour le premier tour d'une élection mineure destinée à pourvoir un poste de peu d'importance. Malgré tout, j'y allai parce que voter est ma première action politique avant quelque autre.
Je me souviens parfaitement du résultat et de la vague d'indignation qu'il a suscitée, des sentiments terribles, d'injustice et de colère pour la plupart de ceux qui étaient allés voter, de honte et de colère pour beaucoup de ceux qui n'y étaient pas allés.
Je me souviens de ces discussion animées entre amis où nous faillîmes en venir aux mains, parce que nous en voulions à ceux qui étaient restés chez eux en pensant que "c'était déjà joué" et qui "osaient" s'indigner du résultat sorti des urnes. Je me souviens avoir perdu mon sang-froid en entendant un ami, d'ordinaire très scrupuleux, prétendre que "nous avions ce que nous méritons" alors qu'il était resté chez lui, en ce qui le concerne.
Je me souviens de la grande mobilisation qui s'en est suivie, de la honte collective, de la promesse du "plus jamais ça"...
Je me souviens de la mobilisation du deuxième tour et du discours des repentis qui reconnaissaient qu'il aurait mieux valu commencer par assurer le premier avant de sauver les meubles sur le second.
Heureusement, c'était une toute petite élection de rien du tout... mais j'y étais, comme à chaque fois.

Je me souviens de tout, avec une netteté parfaite.
Vous en souvenez-vous, vous ?

J'entends aujourd'hui que les Français s'abstiennent pour trois raisons majeures :
- Les candidats sont mauvais.
- Ils ne voient pas à quoi servent les élections parce que tout leur paraît déjà joué par ailleurs.
- Les cantonales, c'est nul.
J'entends et je comprends ces arguments mais je ne les cautionne pas. Même si c'était vrai, que les candidats étaient des tocards, que l'élection ne servait à rien et que l'enjeu me paraissait minable, j'irais quand même voter, quitte à glisser une enveloppe vide dans l'urne.
Pourquoi ? Parce qu'à chaque fois que je vote, j'ai le sentiment de donner ma voix à la démocratie ; je donne ma voix à mes compatriotes, je donne ma voix au monde entier, libre ou non-libre, qui possède ou aimerait posséder le droit à l'expression libre et non contrainte. Dans ma morale personnelle, je vote par respect pour l'humanité toute entière.
Céder aux trois arguments ci-dessus, cela ressemblerait pour moi à marquer volontairement un but contre mon camp sous prétexte que mon équipe est déjà menée au score. Pour ceux qui ne comprendraient pas ma métaphore footballistique, et je les en félicite, ce serait comme me tirer une balle dans le pied gauche alors que ma jambe droite est fracturée.
Sinon, si je ne respectais pas cette morale qui m'est propre, j'aurais l'impression de trahir les miens et je dirais, comme je l'ai entendu en 2002 : "Nous avons ce que nous méritons".

Entendons-nous bien, je ne suis pas en train de faire la morale aux non-votants, j'estime qu'ils sont assez grands pour prendre leurs responsabilités sans avoir besoin de mes conseils. Je vous explique simplement pourquoi moi je suis un votant systématique, à toutes les élections, à tous les tours. Je vote pour la démocratie. Et j'accepterais de me tromper le cas échéant.

12 commentaires:

  1. J'pense pareille comme toi.
    Je vais voter car je me considère tellement chanceuse de vivre dans une démocratie. Pas parfaite car il y a de la corruption ici, mais lorsque je me compare à certains pays, je suis vraiment chanceuse!

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  2. Bravo...
    Le droit de vote, j'en ai écris y'a pas longtemps sur je ne sais plus quel blog. Alors au risque de radoter je répète que le droit de vote est une chance qu'on ne nous a pas donné depuis longtemps (au regard de la durée de l'humanité) surtout aux femmes, que des peuples ne l'ont pas encore, alors SVP ce droit utilisons le. Il vaut mieux un bulletin blanc que pas de vote et aussi tâchons de ne pas voter CONTRE , mais voter POUR. Parce que voter contre c'est promouvoir la Fille du Borgne...
    Alma

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  3. Cher ami,
    Comme toujours, tes mots sont clairs limpides et tout simplement "justes". Bravo !
    Toutefois, j'émettrai un bémol si tu me le permets : l'appel au ras le bol du peuple est souvent balayé par ceux d'en haut et, même si la meilleure solution serait une déculottée aux élections, il s'avère que la machine soi-disant démocratique est finalement bien huilée pour contrôler justement ces ras le bol.
    D'où un sentiment d'impuissance, et jet de serviette, d'autant que le vote blanc ne compte pas, à mon grand regret personnel dans bien des cas.
    Ça ne change pas ce que je pense de ton écrit, mais je comprends aussi "l'autre bord".
    GBises

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  4. Chères Caroline et Pomme, bonjour et merci de venir écrire ici que vous êtes d'accord avec moi :)
    Je me sens aussi chanceux que vous deux d'avoir ce privilège de donner librement mon avis quand on me le demande, même avec le côté un peu réducteur d'un nom (ou d'un non) dans une enveloppe.

    Mon cher G., je comprends aussi ce que tu appelles "l'autre bord" mais je m'en démarque à tout prix. Et voter blanc n'est pas complètement vain car cela fait baisser l'abstention, ce qui pour moi n'est pas rien. Pourquoi ? me demanderas-tu. Et bien parce que la non-abstention est la preuve qu'on a envie de pouvoir continuer à jouir du droit de vote, ni plus ni moins. Enfin... ce n'est que mon avis, et moi aussi j'aimerais qu'il soit "plus" comptabilisé et décrit !

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  5. Un petit lien complétant tes deux derniers billets : http://www.thevenusproject.com/

    Complètement utopique ? Certes. Mais ça fait travailler l'imagination au-delà de nos repères sociétaux habituels...

    A bientôt, Vieux Loup.

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  6. L'abstention est plus comptabilisée, décrite et analysée que le vote blanc...

    La démocratie est un nivellement par le milieu, un garde-fou, un moindre mal... une façon de gérer des conflits sans les supprimer.

    Plus le nombre de votant est important, et plus le résultat se rapproche de la statistique... là encore c'est la loi des grands nombres...

    Nous avons élu Chirac avec un score de république bananière...

    Je vote pour éviter le pire et on agite le pire pour que je vote...

    Je vote pour éviter le pire en attendant le meilleur, mais est-ce que ce faisant je ne lui ôte pas ses chances d'advenir?

    "Ta liberté s'arrête là où commence celle des autres"
    "Le malheur des uns fait le bonheur des autres"
    "L'union fait la force"
    ...

    Que le pouvoir soit exercé par la majorité plutôt que par un petit groupe ou une personne seule est un moindre mal et pas une garantie... c'est le pouvoir lui-même qui pose un problème.
    Passé un certain niveau, le système n'est plus auto-régulé... il n'y a plus de Climax...
    Tous les systèmes sociaux dits "développés", démocratie comprise, sont en réalité totalitaires, dans le sens où ils ne peuvent pas cohabiter avec d'autres, soit qu'ils les menacent, soit qu'ils soient menacés par eux... et aucun mur ne sera assez solide pour les contenir.

    Je reste optimiste cependant car je ressens profondément que:
    "Ma liberté est prolongée par celle des autres"
    "Le malheur des autres fait mon malheur et leur bonheur participe au miens"
    "La diversité peut engendrer des violences ponctuelles, certes dramatiques, mais pas de profonds déséquilibres à des échelles énormes dans des temps très brefs"
    "Tout reste à inventer ou à découvrir"
    Et comme cela me rend heureux, je me dis que ce ne doit pas être un sentiment si difficile à partager... d'autant qu'il me semble que pour y parvenir nous avons plus à désapprendre qu'à apprendre... rien n'est moins élitiste.

    Je suis encore allé voter dimanche...

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  7. Tiens, comme j'écoutais cela à l'instant tout en oeuvrant pour mon labeur quotidien, j'ai pensé à ton billet :
    http://www.dailymotion.com/video/xhr7ug_alain-cotta-la-democratie-est-un-leurre-qui-fait-plaisir_news
    C'est assez... comment dire... cynique, ou réaliste, suivant.
    GBises

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  8. Merci pour ce lien, mon cher Noel. C'est un monde assez impressionnant qui est décrit... mais d'un certain point de vue il me rappelle ces brochures où on peut réserver des hôtels pas encore construits mais déjà figurés... Des hôtels idéaux... A ce propos, as-tu déjà vu l'animation des futurs travaux du Grand Nancy ? C'est grandiose, on dirait la ville du futur en projet...

    "On agite le pire pour que je vote".
    Bien dit, Franck, et c'est d'ailleurs ce qui me fait de la peine : qu'on se sente obligé d'aller voter pour éviter le pire. Ce que j'exprimais pour mon cas personnel, c'est cette nécessité que j'ai d'aller voter avant qu'on m'agite quelque épouvantail que ce soit !

    Cher G., j'ai tenu bon et j'ai écouté ce long discours de M. Cotta. Je ne suis pas emballé par ce que j'ai entendu, d'abord parce qu'on n'apprend pas grand-chose : "Un petit nombre gouverne un grand nombre dans tous les pays du monde". Soit. Ensuite, le reste est une non-argumentation visant à nous démontrer que l'euro est une plaie... Ce monsieur est économiste et professeur à HEC. A priori, nous ne vivons pas tout à fait sur la même planète. En tout cas, ni cynique ni réaliste en l'occurrence : plutôt creux. Mais je ne suis qu'un vil moustique ignorant :))

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  9. Eh ben, je ne sais pas ce qu'il te faut ! Certes, on n'apprend pas grand-chose sur le fond, mais quand même la forme est révélatrice du cynisme de ces élites, qui prouve en elle-même à quel point qu'elle ne doute de rien. Tu me rétorqueras certainement "rien de bien neuf", mais je trouve que cette tendance s'aggrave ces derniers temps, et ça aussi c'est révélateur.
    Mais bon, je rejoins ton club de moustiques ignorants, je sais à quel point nous le sommes...
    GBises

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  10. Sérieusement, je persiste et signe : je trouve cette entrevue sans grand intérêt. Mettons que ce monsieur ne doute de rien, ce dont je doute pour ma part, que devons-nous retirer de son discours ?
    Debout les gens, brûlez les oligarchies ?
    On est foutus, l'euro nous bouffe ?
    La démocratie, c'est de la merde ?
    Bon bon bon... c'est ce dernier point qui te choque, sans doute ? Je comprends, d'autant qu'on pourrait imaginer un discours sous-jacent du type : c'est bien beau de faire voter les cons mais on ferait mieux de leur filer une dictature "éclairée".
    Sauf que, mon très cher ami, les peuples sont maintenant capables de foutre sur la gueule n'importe où...
    Et toujours signant "moustique ignorant" ;))
    Bises
    s.

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  11. Ben permets-moi de ne pas ressentir le discours de Cotta de la même façon que toi, et je continue à trouver qu'il est digne d'un chacal en fin de vie qui ne prend même plus des pincettes pour parler de ces sujets (ou de ses sujets, suivant).
    Le fond n'apprend rien, certes, du moins pour qui s'informe un peu, mais la forme est cinglante pour la majorité des gens.
    Ne fais pas ta vierge non-effarouchée, tu n'es pas si ignorant que tu le dis. ;)
    GBises

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  12. Bin voui, mon grand Breton, c'est ça aussi qui est rigolo, qu'on soit pas d'accord :))
    Tu n'as jamais eu affaire à un vieux réac gâteux auquel on ne répond pas tellement ça sert à rien ? Toutes proportions gardées, c'est un peu ce que je ressens : du rien.
    Comme tu le dis, je joue un peu en-dessous de la division à laquelle je peux prétendre. C'est un défaut qu'on me prêts parfois :) Ha ha ha ha ha !!
    s.

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